Le roman débute là où Madame Bovary se termine, soit à la mort d’Emma. Suite à ce que tout le monde considère comme un suicide, la police de Rouen est envoyée à Yonville pour une enquête de routine.
Mais rapidement, ce qui paraissait évident est remis en question. En particulier, les deux docteurs au chevet d’Emma, Canivet et Larivière, apportent des témoignages étranges : les dernières paroles d’Emma et des traces de coup. Rémy, jeune officier de police, enquête donc sur cette affaire.
Affaire qui devient de plus en plus étrange lorsque son supérieur, Delevoye, est mis à la retraite pour avoir trop fouiné dans les affaires d’Yonville….

Le début du roman est un vrai retour dans l’œuvre de Flaubert : on y retrouve au fil des pages tous les protagonistes du roman qui a fait scandale lors de sa parution : Charles Bovary et sa casquette, Homais le pharmacien, tous les habitants du Lion d’or, les amants d’Emma, Lheureux l’usurier.
Néanmoins, les rappels sont assez nombreux pour aborder ce roman sans avoir lu Madame Bovary. Mais mon plaisir du lecteur a aussi été de me remémorer les épisodes du roman originel.
Puis petit à petit, on sent que le roman s’éloigne de la trame d’origine : les personnages évoluent, et on entre de plain pied dans un roman policier, où tous les personnages sont à un moment soupçonnés.

L’auteur, Philippe Doumenc, n’écrit pas à la façon de Flaubert, mais s’accapare les différents protagonistes. Ou alors, s’il a essayé d’écrire un pastiche, je suis passé à côté !

La fin du roman est un peu plus « décalée » : on sent que l’auteur n’a pas souhaité remettre en cause toute l’œuvre de Flaubert.
D’ailleurs, Flaubert apparaît plusieurs fois dans le texte : une fois comme assistant à l’enterrement d’Emma, puis le narrateur y fait plusieurs fois référence pour expliquer que Flaubert s’était fourvoyé dans son roman. Et clin d’œil amusant : l’ouverture du roman est un extrait d’une lettre écrite par Flaubert à George Sand, qui explique que les personnes qui ont voulu interpréter la mort d’Emma Bovary comme un assassinat et non un suicide n’ont pas compris l’ouvrage.

Un livre que je recommande à tous les amateurs d’Emma Bovary, et à tous ceux qui sont curieux de connaître le vertige suivant : « Mais non, c’est pas possible, Madame Bovary n’aurait jamais fait cela », et se rendre compte qu’elle n’est qu’un personnage fictif, et que chacun peut donc lui faire connaître le destin qu’il imagine.

Par Yohan


Les critiques qui suivent ont été mises en ligne le 29 juin à la suite du "Prix Biblioblog 2008"


J'avais lu Emma Bovary il y a de cela plusieurs années (du temps du lycée voir peut être même du collège, je ne sais plus), et j'étais tombée sous le charme du roman. J'avais quelques appréhensions avant de lire cette contre-enquête, peur d'être déçue par rapport à l'original mais l'auteur a su s'éloigner juste assez pour nous faire découvrir Emma sous un autre regard.
Un petit ouvrage qui n’est en rien une copie mais une prolongation de l’œuvre. Les décors, le ton de l’époque tout y est reproduit mais avec un petit quelque chose en plus pour relancer l’histoire.

Arsenik

Voilà un ouvrage bien intéressant. Je n’ai jamais lu le classique de Flaubert, mais ça n’empêche pas d’apprécier l’exercice. Si les trente premières pages m’ont semblé un peu plus lentes, le roman s’emballe à partir des premières dépositions. On suit le jeune Rémi dans sa quête avec beaucoup de curiosités. Dommage que la fin de l’enquête arrive de façon un peu abrupte et tellement inattendue. Par contre, la postface est vraiment charmante et inspirante.

Catherine

Ma lecture de Flaubert date un peu mais en relisant cette contre-enquête faite par Doumenc, quelques souvenirs sont remontés à la surface. Du coup, j'ai pu apprécier l'histoire, retrouver le cadre du roman original, cette atmosphère campagnarde que j'aime beaucoup. J'ai beaucoup apprécié la précision de l'auteur concernant la description des environnements et des lieux. Et les personnages. Avec quelques clins d'œil à la réalité historique et à ce jeune Gustave, témoin involontaire d'un fait divers qui lui a inspiré le roman que l'on sait...
Sans le porter aux nues, ç'a été pour moi un très agréable moment et une rencontre avec de vieux souvenirs.

Cœurdechene

Au départ, j'avais un peu peur de m'engager dans cette histoire. Ma lecture d'Emma Bovary, LE roman de G. Flaubert remontant à des lustres - enfin pas tant que cela - mais longtemps quand même.
Résultat des courses, je me suis lancée prendre par l'intrigue policière, la langue de l'époque - fort bien restituée par l'auteur, les personnages et leurs multiples facettes. Néanmoins, je suis un peu restée sur ma faim en ce qui concerne le commissaire. Je trouve qu'il a un peu trop vite disparu de la scène mais l'histoire le voulait certainement ainsi. J'aurai bien aimé en savoir un peu plus aussi sur l'agent Rémi, sur son autre vie après cette enquête. Il est des personnages auxquels on s'attache. On ne sait pourquoi.
Très bonne lecture. On commence, on est accroché et puis... zut c'est déjà fini.

Dédale

Emma Bovary.
Ah Emma Bovary, un grand classique de la littérature française…et bien je ne l’ai pas lu, et non.
Alors Emma suicidée ou pas ?
« Assassinée, pas suicidée. » chuchote t-elle…deux policiers venus de Rouen enquêtent.
C’est l’angle que propose l’auteur dans son roman sous la forme d’une contre-enquête. Et c’est donc à travers les yeux de Rémi, jeune inspecteur, que nous suivons la « véritable histoire » d’Emma Bovary.
N’ayant pas lu l’original, c’est donc « vierge » en quelque sorte que j’ai lu ce livre. J’ai suivi le fil de l’enquête, cherché le coupable, suspecté untel et untel, échafaudé des théories …ah oui c’est un policier, donc il y a une victime (elle est morte), des suspects (une liste incroyable), une vérité (mais aussi beaucoup de mensonges) et une fin. J’ai bien aimé me promener dans cette province du 19 ème, mais oserais-je l’original ?

Mais quoi ? Les amours de jeunesse ressemblent à cette vaccine de Jenner que les médecins vous injectent contre la variole : elle vous immunise ; mais en même temps qu’elle vous immunise, elle vus communique un peu la maladie.

Google

Je lis très peu de romans policiers. Plein de rebondissements, ce livre en est un bien plaisant. Il nous donne à redécouvrir les personnages de Flaubert et la fameuse rue unique de Yonville. L'auteur me semble avoir fait preuve d'un grand soin pour faire en sorte que les façons de s'exprimer des personnages, le vocabulaire utilisé et les références concourent à situer l'intrigue à l'époque du roman de Flaubert. Pour entendre cette belle langue, le dictionnaire s'avère souvent assez utile. Je n'avais ainsi pas entendu parler de l'échelle de température de Réaumur depuis deux ans : je lisais alors Madame Bovary...
Cependant, je trouve un peu dommage que le narrateur ait délibérément modifié certains détails par rapport au roman de Flaubert plutôt que d'en donner un prolongement aussi cohérent que possible. Il fait curieux de lire que Flaubert s'était trompé !

Joël

Comme je l'avais précisé à l'époque du billet de Yohan, je n'ai jamais lu le roman de Gustave Flaubert (oui, je sais, c'est une lacune impardonnable). Mais Yohan avait raison de dire que cela ne gêne nullement la lecture du roman de Philippe Doumenc, puisque même sans avoir lu l'original j'en connaissais suffisamment pour ne pas me sentir perdue dans cette nouvelle interprétation.
Je me suis tout de suite prise au jeu de cette enquête : le style est fluide, les personnages bien campés et la proposition de Philippe Doumenc n'est pas dénuée d'humour. Malheureusement, les dernières pages n'ont pas été pour moi à la hauteur de l'intrigue : Yohan parle de fin « décalée » où l'auteur n'aurait pas osé remettre totalement en question de chef d'œuvre de Flaubert. Et bien c'est peut être justement cette tiédeur qui m'a déçue. J'aurai sans doute aimé que Philippe Doumenc aille au bout de son entreprise et assume jusqu'au bout ses ré-interprétations libertines. Quitte à écrire une suite au roman, autant en profiter pour s'amuser réellement.
Malgré tout, j'ai passé un très agréable moment en compagnie de Rémi au milieu des villageois de Yonville.

Laurence

Extrait :

- Je continue donc, reprit Larivière, apparemment apaisé. Inutile de vous dire qu’à notre arrivée à Canivet et moi, la panique régnait ! Se trouvaient alors au chevet de la patiente son mari, le dénommé Charles Bovary, ainsi que la pharmacien du village et son épouse qu’il avait appelés en première instance, chacun semblant affolé et évoquant une tentative de suicide au sujet de laquelle la victime avait laissé une lettre. Quand tout a semblé perdu et qu’il a été décidé d’appeler le prêtre, Bovary, le pharmacien et sa femme y sont allés, moi je suis resté seul avec Canivet et la patiente. Je tenais la main de celle-ci, le pouls était imperceptible. Elle ne donnait presque plus signe de vie, mais tout à coup ses yeux se sont ouverts !... Elle m’a fixé avec une intensité que je n’oublierai jamais (or j’ai vu beaucoup de mourants dans ma vie, sachez-le !). Enfin, à croire que depuis le début elle suivait derrière ses yeux fermés toute l’agitation qui l’entourait, elle m’a demandé faiblement si j’étais le docteur Larivière (d’où tenait-elle mon nom ?). Sur ma réponse affirmative, elle m’a dit très distinctement « Assassinée, pas suicidée ». Canivet à son tour se penchant sur elle, elle a essayé de lui montrer quelque chose du côté du cou. Lui et moi étions stupéfaits. Nous l’avons pressé de questions mais déjà c’était trop tard, elle était retombée dans son coma, ou plutôt dans sa stupeur physiologique ! Quelque minutes après elle mourait, juste au moment où le curé du village entrait dans la chambre avec les derniers sacrements.

couverture
Éditions Actes Sud - 180 pages